Un faible parmi les forts.

Anaël, après s’être engouffré par la porte de l’allée, s’était retrouvé dans le noir le plus absolu.

Dans un claquement sourd, sinistre, les portes du cauchemar c’était refermées brutalement. Un frisson glacé avait parcouru le dos de l’adolescent. Ici, tout n’était que ténèbres. Et sa peur du noir ne faisait que s’accroître.
A présent, il ne prenait que d’avantage conscience de son statut. Il était un petit animal, une proie, traquée et dont les chances de survies étaient minimes.
Dans le monde où il se trouvait, tout était d’un silence inquiétant. Sa vie ne tenait qu’à un fil et le moindre faux pas pourrait lui être fatal.
Il était comme un funambule à deux cents mètres du sol. Mais la situation était bien plus complexe. Aucun filet pour le sauver, Aucun balancier pour garder l’équilibre. Et ses yeux étaient bandés. Car, oui, il ne savait pas où il allait. A chaque coin de couloir qu’il empruntait maintenant, un homme pouvait être dissimulé. Un homme qui, comme dit dans la lettre, avait devoir de tuer tout humain qui croisait sa route.
Et Anaël était une proie facile.

Il était au milieu d’un long corridor. Une porte claqua. A nouveau, le garçon en eut des frissons. Instinctivement, comme le pousse à le faire l’instinct de survie humaine, il se plaqua contre le mur que ses mains n’avaient pas lâché lors de sa ‘promenade’.
On entendait à peine sa respiration. Anaël avait fermé les yeux très fort, priant de tout son être afin de ne pas être repéré. Encore fallait-il que Dieu ou tout autre personne en passe de l’aider l’entende…

*Pitié, que je meure pas tout de suite !*

Il attendit de longues secondes…peut-être deux ou trois minutes. Et lorsqu’il pensa que tout danger était écarté, il reprit sa marche hésitante le long du couloir sombre.
Bientôt, il arriva à de sinistres escaliers.
Il regarda à droite, puis à gauche. Personne en vue. Seuls les ténèbres glacées.

D’un pas non assuré, il mit le pied sur la première marche.
La première marche de sa mort ? La première marche menant aux enfers ? Peut être.
Quoique, il y était déjà depuis longtemps. Depuis qu’il avait passé les portes de l’allée.

Il repensa à sa stratégie.
Pour avoir une chance de s’en sortir vivant, tout en prenant compte sa phobie de la mort et sa faible musculature, il n’y avait qu’une solution.
Laisser les autres s’entre-tuer.
Pour cela, il devait se montrer discret. Eviter tout contact avec ses semblables. C’était sa seule chance. Mais combien de temps ce petit jeu allait-il durer ?
Arriverait-il à tenir jusqu’au bout ? Et surtout, quand reverrait-il la lumière du soleil ?

A présent, il montait lentement les marches. Chaque pas se faisait sans bruit, dans cette atmosphère ténébreuse et inquiétante.

*Fait chier, je déteste le silence ! Surtout que celui-ci c’est un silence de…mort.*

Bien entendu, il ne se doutait pas de l’existence des vampires. Et il savait encore moins que ceux-ci pouvaient lire dans les pensées. Or, si l’un de ces monstres traînaient par là, Anaël c’était fait repéré depuis longtemps.
Il monta un peu. D’un étage, plus précisément. Puis, sûrement par instinct, il ouvrit doucement une porte. Cela ne l’empêcha pas de grincer quelque peu, ce qui arracha un nouveau frisson d’angoisse au dos d’Anaël.

Ce qu’il découvrit là le…surpris.
Il avait anxieusement passé sa main sur le mur de cette nouvelle pièce plongée dans le noir et avait découvert –ô miracle- un interrupteur. Sûrement le seul de la maisonnée !

Devant lui, s’étendait un salon des plus normal. Un canapé, des fauteuils, une table basse. Pis, encore, tout cela avait un certain air rassurant. La première action d’Anaël fut de se méfier. Puis, fatigué, il s’avança jusqu’aux canapés de velours, laissant la porte ouverte. Il s’y enfonçait merveilleusement et il se sentait si bien que, recroquevillé, il laissa échapper toute la tension de ce jour.
Des larmes salées roulèrent le long de ses joues, silencieuses. Peut-être à cause de la peur, ou de l’émotion, il se laissa aller. Là, dans le canapé, ce petit corps commençait enfin à s’apaiser quelque peu.

[>Escaliers]

S’il avait pu, il se serait penché là, appuyé contre ce mur, là où personne jamais n’aurait pu le voir, pour rendre tout ce qu’il avait dans sa bouche. Cette sensation dégoûtante…
Comment avait-il pu seulement s’approcher de cet ignoble être humain?! Il n’était en fait absolument pas beau, horrible même. Toute cette musculature, cette masse de chair. Le seul souvenir qu’il en avait suffisait à lui soulever le cœur de nouveau. Quelle horreur, il espérait ne plus jamais avoir à faire à un tel être. Ignoble. Il cessa un moment sa marche nerveuse et rapide, faîtes pour mettre le plus de distance possible entre l’homme et lui et repris son souffle. Une inspiration profonde, puis une expiration tout aussi grande. Sa poitrine se soulevait doucement au rythme calmé de son souffle et bientôt, il put arborer de nouveau ce sourire pervers qui lui seyait tant. Il toussota, passant une main sur sa longue veste noir, u chassant sans doute quelques poussières imaginaires. Il sentait toujours que le jeune homme était là, quelque part, mais loin de lui. Et cette seule certitude le rassurait. Au moins n‘aurait-il pas à le croiser de nouveau. Il grimaça de nouveau et reprit sa marche, ayant retrouvé le peu de contrôle qu’il exerçait sur son esprit.

Il ne savait pas où il était, il ne se souvenait pas être déjà passé par ici. Rien d’étonnant, il était devenue vampire avant même d’avoir pu visiter le quart de la demeure. Mais bien qu’il ne connaisse pas cet endroit, il ne s’était jamais autant senti chez lui quelque part. Il se sentait libre d’agir comme bon lui semblait, capable de tout faire sans jamais un remords. Pourtant, il lui semblait une obligation de ne jamais dévoiler sa véritable nature, seule obligation mais à laquelle il se pliait volontiers, c’était très agréable de laisser l’autre dans l’ignorance. Bien plus amusant…

Il se figea soudain. Un léger bruit avait atteint ses oreilles, un bruit qui le remplit soudain de satisfaction. Un autre bruit, semblable. Le bruit de pas, léger. Il savait que ce n’était pas un de ses pairs, aussi ne pouvait-il être qu’un humain. Il avait peur lui aussi, très peur visiblement. Il semblait plus jeune que le précédent. Un sourire vint se figer sur les lèvres du vampire. Oui, il allait de nouveau s’amuser un peu. Il le suivait, de son pas plus silencieux qu’un chat. L’autre n’était pas loin devant, aussi devait-il s’abstenir d’utiliser sa vitesse. Il ne voulait pas le rattraper. Non, le petit avait bien trop peur à présent, il préférait attendre un moment où il se sentirait plus apaisé, plus en confiance. Il retenait le gloussement satisfait qui naissait dans sa gorge, et retenait ses pas. Il mourrait d’envie de s’approcher, de toucher le petit homme. Il n’était à présent qu’a un pas de lui, sans que celui-ci devine sa présence. Ses yeux fous fixaient sa jolie petite nuque blanche, et il n’avait qu’à tendre la main pour en caresser la peau. Mais malgré sa complaisance à suivre ce garçon, quelque chose le gênait. Il n’aurait su dire quoi exactement mais quelque chose ici, sur ce jeune homme même, le repoussait. Il esquissa une grimace mais ne lâcha pas le pas du garçon. Il retenait à présent un feulement de mécontentement. Il ne serait pas aussi à l’aise qu’il le pensait, mais tant pis, il ferait avec. Le garçon trouva la porte du salon et y pénétra, le vampire se plaqua contre le mur même de la porte, alors que le jeune homme allumait la lumière. Il le laissa admirer la pièce, et sentit bientôt que le jeune homme s’apaisait progressivement. Alors, telle une ombre, Iwane se glissa dans la pièce, sans un bruit. Il souriait et sous la faible lumière du salon, ses dents luisaient, faisant écho à ses yeux où brillaient en permanence la même lueur malsaine. Il passa derrière le canapé où était allongé le petit et se releva lentement. Il regarda le jeune homme, les yeux fermé et les larmes coulant sur ses joues. Le vampire sourit, de faisant rassurant, attirant et leva une main avec laquelle il essuya une larme du garçon.

_Voyons mon garçon, pourquoi pleures-tu ainsi ?

Le jeune vampire se passa un doigt pensif sur les lèvres. Un léger sourire vint effleurer celle-ci, à la vue du jeune garçon apeuré. Il serait bien plus agréable de lui tenir compagnie qu’a cet autre rustre qu’il venait tout juste de quitter. Il le fixait toujours, ses yeux paraissaient doux, mais la douceur dissimulait quelque chose de bien plus effrayant encore. Sa main glissa lentement, quittant ses lèvres et son visage, pour reprendre sa place le long de son corps. Il sourit au jeune homme, dévoilant de belles dents nacrées. Il le laissa s’échapper du fauteuil, et le suivit des yeux, jusqu'à ce qu’il atteigne le centre de la pièce, le vampire lui coupait toute retraite, il le savait, mais une petite crainte que le jeune homme parvienne à lui échapper lui crispa le cœur. Il ne devait d’aucune manière relâcher sa vigilance, ce garçon ne devait pas s’enfuir, pas avant qu’Iwane ne l’ait entièrement plié à sa douce, et pourtant si violente, volonté. Il regardait toujours le gamin, et de sa voix douce et chaude, baissant légèrement la tête vers le côté, il ouvrit doucement ses lèvres rouges.

_Qui je suis? Je suis ce que je souhaite. Mais toi, qui es-tu?

Il avança doucement vers le jeune garçon, sans aucun mouvement brusque. Il sentait la peur qui venait de cette toute petite créature, et il se délectait de ce sentiment. Il n’avait jamais autant apprécié provoquer la terreur, tout en sachant que l’émotion dominante du jeune homme en le voyant avait été la confusion. Il la sentait en lui, bien plus forte que sa peur. Il hésitait encore s’il devait aimer le vampire, ou rejeter de tous son être son contact. Iwane sourit, car il savait aussi bien que le gamin qui remporterait la victoire et le contrôle. La bouteille qui se brisa alors, lorsque le gamin se recula brusquement, le distrait un instant. Pas assez seulement, pour que le jeune homme lui, ait pensé à autre chose. Il ignorait alors qu’il venait de manquer sa première occasion de fuite. Iwane sourit de satisfaction, et se passa une langue rose sur la lèvre supérieur, tout en ne quittant plus du regard le jeune homme, il ne se laisserait plus distraire.

_Te tuer? Mais pourquoi faire? Ce sera bien plus amusant si tous les deux, nous restons vivants. Tu ne crois pas?

Il était maintenant tout proche du jeune homme, et, levant doucement sa main, il effleura à nouveau de son index la joue du jeune homme, encore humide de larmes. Mais il ne pleurait plus, et Iwane l’apprécia. Il n’aimait pas passez des heures devant quelqu’un qui pleurait. A dégoûter, vraiment. Il sourit au gamin, un sourire forcé. En touchant le jeune homme, il avait sentie comme une sensation de gêne, quelque chose dans le garçon tentait de le repousser. Ce n’était pas lui, à voir ses yeux éperdue d’admiration devant sa beauté, et malgré quelques traces encore de crainte, il n’avait sans doute même pas conscience de la gêne que l’effleurement avait provoqué au vampire. Il fronça le nez, et remarqua alors la chaîne que portait le jeune homme autour du cou. Il plissa les yeux, et toussota. De l’argent. Sans doute. On avait toujours appris aux humains que l’argent faisait fuir les vampires. Ah, il faudrait le lui ôter, sinon, son petit jeu tournerait vite à son désavantage. Il sourit de nouveau au garçon, se faisant tendre en engageant.

_As-tu peur? Je peux te réconforter moi, tu le sais n’est ce pas? Tu me fais confiance…

Anaël restait méfiant. Cet homme était bien trop doucereux, bien trop aimable. Il sonnait faux. Cet homme était hypocrite. Il se donnait une image, une personnalité. Il essayait de le manipuler. Et puis, ses propos…. « Je suis ce que je souhaite ». Cette réponse était tellement étrange. Mais en un sens, cette phrase confirmait les doutes d’Anaël.
Prudence. Ce mot résonnait à ses oreilles comme une musique de fond. Il fallait qu’il reste toujours sur ses grades.
‘Mais toi, qui es tu ?’ Que devait-il répondre ? La vérité ? Non. Il devait rester aussi ambiguë que l’autre. Quoi dire, alors ? La moindre erreur pourrait lui être fatale.

Anaël ouvrit la bouche. Dans un murmure doux, presque inaudible, il laissa échapper ces quelques mots :

-Celui que je suis ne vous regarde pas.

Il s’étonna de sa hardiesse. Il savait très bien que le bel homme en face de lui ne ferait qu’une bouchée de sa petite vie, même s’il ne songeait pas que cette pensée était à prendre au sens propre. Ses yeux verts étaient fixés sur ses chaussures. Lentement, il releva le regard. Il croisa les prunelles de l’autre. Ce qu’il put lire dans ses yeux étaient quelque chose de dur à définir, nappé sous une couche de satisfaction. A cette constatation, Anaël devint encore plus confus.
Ses dents rencontrèrent ses lèvres, les mordillant doucement. Sûrement pour faire remarquer à Anaël qu’il n’était pas encore mort. Qu’il avait peut être une chance.

De nouveau, sa méfiance redoubla. « Rester en vie…tous les deux…amusant… » Ces paroles résonnaient étrangement. Elles étaient lourdes de sous-entendu. Le mordillement de ses lèvres se fit plus frénétique, son cœur suivant le même rythme. Tout cela s’accéléra encore lorsque la main blanche du vampire effleura la joue du jeune humain. Ce dernier aurait voulu se reculer, échapper à cette sensation. Mais il ne pouvait pas, il était pris au piége.

-Je…je ne sais pas…

Une seconde, il ferma les yeux. Il tenta de se calmer. Il essaya de se persuader que tout cela n’était qu’un cauchemar, que bientôt il se réveillerait et qu’il retrouverait Paris et ses lumières ! Peine perdue, évidemment. De toute manière, il le savait pertinemment : Quel que soit ses efforts, il retomberait toujours dans cette pièce inconnue, entre une table et un homme dont il ignorait tout jusqu’au nom. Il releva encore une fois son regard vers l’inconnu. D’une voix craintive, il demanda :

-Que me voulez-vous ?...

Cette attitude, tellement fausse… Si l’homme tentait de le manipuler avec ses airs engageants, il ne risquait pas d’y arriver. Même si d’une manière ou d’une autre, Anaël serait bien obligé de se soumettre, il ne se laisserait pas avoir comme cela. L’adolescent observa l’inconnu qui lorgnait sa croix d’argent. D’un geste instinctif, il pressa une main dessus. Il pouvait faire ce qu’il voulait mais jamais, absolument jamais, il ne laisserait quiconque lui arracher son bijou. Il lui était bien trop précieux. Anaël ne répondit pas à la remarque de l’homme. IL n’était pas aussi naïf que l’on pourrait le croire. Et l’autre était bien trop hypocrite pour qu’un jour il lui fasse confiance.

[Desolée du retard >.<]